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Boris Mikhailov, série Salt Lake, 1986

identité visuelle © Lieux Communs

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Boris Mikhailov, série Salt Lake, 1986

courtesy galerie Suzanne Tarasiève, Paris

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Boris Mikhailov, série Salt Lake, 1986

courtesy galerie Suzanne Tarasiève, Paris

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Boris Mikhailov, série Salt Lake, 1986

courtesy galerie Suzanne Tarasiève, Paris

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Boris Mikhailov, série Salt Lake, 1986

courtesy galerie Suzanne Tarasiève, Paris

Exposition

Salt Lake

Boris Mikhailov


La Criée présente pour la première fois en France la série Salt Lake du photographe ukrainien Boris Mikhailov. Datant de 1986, cette série de cinquante photographies nous transporte dans une Ukraine soviétique au bord de l’implosion, où la douceur de vivre avait pour cadre les berges d’un lac cerné par la pollution industrielle.

Boris Mikhailov est né en Ukraine en 1938. Sa carrière de photographe débute réellement en réaction au régime soviétique qui s’oppose à certains de ses travaux. Ingénieur de formation, il se fait renvoyer de l’usine où il travaillait suite à la découverte par le KGB de clichés de nu qu’il avait pris de son épouse. Dès lors, depuis plus de quarante ans, il se consacre exclusivement à la photographie, documentant la vie et la chute de l’ère soviétique puis les transformations qui l’ont suivie, au travers de portraits humanistes et crus de ses contemporains. Il est aujourd’hui l’un des photographes de l’ex-union soviétique les plus reconnus sur la scène artistique mondiale, représentant de l’Ukraine à la biennale de Venise en 2007 et exposé au Moma de New York en 2011.

 En 1986, Boris Mikhailov se rend sur les berges d’un lac au sud de l’Ukraine. Son père, habitant la région dans les années 1920, s’en souvient comme d’un lieu très fréquenté par la population locale, persuadée des vertus thérapeutiques de ses eaux chaudes et salées. Le photographe, curieux de voir si cet endroit existe toujours y découvre que les habitudes n’ont pas changé mais que le lac est désormais cerné par les cheminées d’usines, les entrepôts en briques aux tuyaux de taille industrielle qui y déversent leurs eaux usées. Tout au long de l’année, les familles se rassemblent sur le rivage et vu de l’extérieur, on pourrait croire à un Baden-Baden soviétique.

 

L’une après l’autre, Boris Mikhailov capture ces scènes étranges, nous donnant à observer une population insouciante se baignant dans ces eaux troubles, indifférente au paysage chaotique alentour. Les hommes trapus et les femmes en bikinis les cheveux attachés par des foulards, se prélassent, semblent profiter allégrement du moment présent. On aperçoit ici des corps étendus bronzant au soleil, là un groupe de femmes discutant joyeusement. Le calme qui se dégage de cette série en devient l’élément pictural et peut évoquer certaines photographies d’Henri Cartier-Bresson prises au moment des premiers congés payés en France ou encore la toile de George Seurat Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte.

Salt Lake dépeint une union soviétique méconnue voire secrète et pour cause, cette série ayant été réalisée de manière clandestine, comme beaucoup de travaux de Mikhailov. Un contexte dans lequel la population semble faire fi de son environnement, du moins le tolère surement faute d’alternative, afin de pouvoir profiter d’une liberté même furtive. Ces gens avaient-ils le choix dans leurs lieux de détente, se posaient-ils la question d’un ailleurs meilleur quand le meilleur était peut-être déjà de pouvoir avoir cette liberté ?

Découvrir cette œuvre aujourd’hui nous engage dans un travail de mémoire, similaire peut-être à celui que le photographe a fait, revenant sur les traces de son père. On ne peut s’empêcher de la resituer dans le temps, un an avant la catastrophe de Tchernobyl, trois ans avant l’effondrement du système soviétique. L’Histoire confère à Salt Lake une valeur de témoignage précieux qui démontre la justesse et la permanence du regard que l’artiste porte sur son temps.

« Là, il y a une sorte de jeu où l’ancien et le nouveau se mélangent. […] Ça prolongeait une vieille idée que j’avais eu avant : on est à la fois là et pas là. À la fois on est aujourd’hui, et on est il y a très longtemps. * »

* Boris Mikhailov, I’ve been here once before / J’ai déjà été ici un jour, David Teboul. Édition Hirmer Verlag GmgH, Munich / Édition Les Presses du réel, Paris (2011)
extrait du film de David Teboul, Boris Mikhailov, « L’Art et la Manière », © Arte France – Images et compagnie, coproduit par Suzanne Tarasieve



Boris Mikhailov

né en 1938 à Kharkov, Ukraine
vit et travaille entre Kharkov, Ukraine et Berlin, Allemagne

site de la galerie Suzanne Tarasiève